Réalisation vidéo, mise en espace
et en scène : laure Delamotte-Legrand
Avec :
- Pierre Droulers (Bruxelles – Marseilles)
- Julie Nioche (Paris – Venise)
- Mustafa Kaplan (Istanbul)
- Donata D’Urso (Paris)
Chorégraphe et danseur au plateau : Nicolas Delamotte-Legrand
Création sonore : Sylvain Peltier (DJ Zadig).
Musiques : PIL, Brian Eno, Can, PJ Harvey.
Création lumière : Paul Agratina
Production La Foudre, Scène Nationale.
Publication : «In Situ, European artists on the road», collection Carnets de rue, Editions l’Entretemps. Réseau européen IN SITU, 2006
Dans ce projet, je souhaitais donner une place primordiale au hasard, à l’événement qui surgit sans que nous l’ayons décidé ni programmé. Je souhaitais avant tout interroger l’équilibre fragile qui existe entre nos présences d’humains, les lieux et les objets. Et si aucun des trois ne dominait les deux autres, l’événement naissant de leur seule coéxistance ?
Ce projet imposait le déplacement, dans tous les sens du terme, déplacement de soi, déplacement de lieux, déplacement du regard, déplacement des repères, la distance et le temps comme appuis, donc le voyage. Le film aussi, pour garder trace de l’instant où cette fragile alchimie entre personnes, lieux et objet surgissait.
Ce road movie « plastique » est aussi une immersion dans l’humain, un voyage dans les méandres de l'intime. En route j’ai rencontré successivement quatre personnes, de différentes nationalités, quatre chorégraphes qui par leur activité ont un rapport si singulier au corps, à l’espace et au temps, jusque dans la sphère quotidienne. J’ai passé avec chacun quelques jours. Je leur ai proposé, sans leur donner de détails, de faire une pause avec moi, une parenthèse dans leurs rythmes de vies effrénées, de jouer le jeu de la rencontre sans trop savoir où je les emmenaient. En ouverture de ces parenthèses je ne donnais qu’une seule contrainte, de confectionner un objet que j’imposais et de l’incorporer ensuite au vécu de ces jours passés ensemble. De laisser venir les choses sans les construire ni les appréhender, laisser apparaître ou non les événements plus ou moins anodins ou singuliers, de laisser réagir objet, lieux et personnes sans chercher à en maîtriser les devenirs.
L’objet en question est un gant de toilette cousu contenant 500g de riz. Objet ,« fétiche », artifice, fabriqué, fait de main d’homme, imité, reproductible. Ce gant rempli de riz était au départ un objet que j’ai utilisé en danse, en analyse du mouvement. Par la suite il a pris une place pérenne dans mon quotidien, devenant objet de mon environnement intime. Objet «inutile», simple, prolongation du corps, objet anthropomorphique., objet-masse, objet malléable, objet réconfort, objet tactile, objet charnel et sexuel. Objet expérience. Il favorise la prise de conscience de soi, de ne devenir que sensible, il appel à la mémoire du corps, à l’abandon de soi. Je le considère comme une sorte de déclencheur de sensations et d’états de corps. Objet miroir, objet désir. Désir d’espace et de temps, désir d’évasion et d’autre. Désir d’enfance, de maternité, de transmission. Objet dont on ne sait pas de quel usage exacte il relève. C’est un objet miroir, qui se laisse personnaliser. «C’est là où, ne servant a rien, il sert profondément à quelque chose”*. Cet objet j’ai voulu aller voir ce qu’il provoquerait chez d’autres que moi. Voir comment chacun allait le confectionner et se l’approprier de façon unique en fonction de son histoire, de sa culture et de l’instant présent. Voir par quels processus nous entrons en relation avec les objets et quelles conduites et relations humaines en découlent.